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La diversité marque le pas en entreprise -Les Echos 13/11/2015

La diversité marque le pas en entreprise

MARIE-SOPHIE RAMSPACHER | LE 13/11/2015

A l’image SNCF banques, déploient effectifs front-office reflétant diversité clients, recrutement profils divers permet mieux comprendre clients, prendre décisions meilleure qualité, alimentées large gamme d’idées.

 

A l’image de la SNCF ou des banques, qui déploient des effectifs en front-office reflétant la diversité de leurs clients, le recrutement de profils divers permet de mieux comprendre les clients, mais aussi de prendre des décisions de meilleure qualité, alimentées par une large gamme d’idées. - Shutterstock

Tendance Alors que s’ouvre lundi la Semaine européenne pour l’emploi des Travailleurs Handicapés, le déploiement de la diversité semble s’essouffler. Selon l’AFMD, un tiers des entreprises n’abordent jamais la question et la majorité se contentent de remplir les obligations légales en matière de mixité et de handicap. Seule une sur dix en tire un avantage compétitif.

Faut-il y voir un mauvais présage ? Cette année, la Chaire « Management et Diversité » de l’Université Paris-Dauphine va perdre plusieurs sponsors. Dans un même mouvement La Poste, EADS, La Macif, SFR, retirent leurs subsides pour porter d’autres thématiques en vogue (dérèglement climatique, santé, qualité de vie etc.). Co-responsable scientifique de cette chaire, Jean-François Chanlat s’inquiète de cette perte soudaine d’intérêt. « En France, le sujet est abordé à l’envers, sous l’angle de la contrainte, avec une incitation à additionner les catégories, les femmes, les seniors, les personnes en situation de handicap, pour parvenir à une diversité compassionnelle, ce qui est plutôt le champ d’une fondation tandis que l’entreprise doit raisonner stratégie et performance », analyse Laurent Depond, directeur de la diversité chez Orange. Or instaurer la diversité suppose de raisonner sans clivage et de cultiver une certaine résilience. «  Ces sujets n’étant pas spontanés, leur ordre de priorité doit être suffisamment élevé pour irriguer le recrutement, management, organisation du travail etc. », défend Jean-Louis Carves, responsable de la diversité d’IBM France. La diversité n’étant pas une collection de démarches éthiques et légalistes, comment rattraper le temps perdu ?

1. S’inspirer des bons élèves

IBM et Orange font effectivement partie des entreprises exemplaires, qui au côté d’Engie, Adecco, EDF, Paprec, Casino ont fait de la diversité un projet d’entreprise. « Ces organisations mûres vont bien au-delà des segmentations (jeunes, seniors, ethnies, genre) pour aborder la problématique du racisme, de la discrimination, de l’identification du handicap, de l’apparence physique, avec un objectif, éveiller à l’altérité », se félicite Maria-Giuseppina Bruna, docteur en sociologie des organisations, chercheur associée à Dauphine. Engagées depuis de nombreuses années en matière de diversité _depuis 1953 pour IBM_ elles ont concrétisé leurs intentions : « Ces organisations dotées d’une authentique sensibilité sociale, ont su transformer les discours en règles et atteindre une certaine maturité(évolution de l’organisation, autre sourcing des recrutements, achats solidaires, empreinte sur le management) alors que les organisations qui n’avaient pas enclenché de politique n’ont pas été stimulées en raison de la crise et d’un phénomène d’inflation réglementaire qui a déplacé le curseur vers d’autres priorités comme la pénibilité », poursuit la sociologue.

2. Monter un business case

Pour autant est-il envisageable de rattraper le temps perdu ? « En faisant de la diversité un véritable business case de l’organisation et sous condition de management, l’intérêt économique et l’atout commercial constituent alors un aiguillon de diversité et de performance »,postule Maria Giuseppina Bruna. A l’image de la SNCF ou des banques, qui déploient des effectifs en front-office reflétant la diversité de leurs clients, avec une forte politique en matière d’égalité des chances, le recrutement de profils diversifiés permet de mieux comprendre les clients, mais aussi de prendre des décisions de meilleure qualité, alimentées par une plus large gamme d’idées. « La diversité constitue aussi un puissant levier d’innovation. Rassembler des esprits différents favorise la créativité », souligne Laurent Depond.

3. Comprendre les biais décisionnels

Pour déconstruire les clichés persistants sur les seniors, les handicapés ou les jeunes issus des banlieues, les entreprises exemplaires forment à la prise de conscience des stéréotypes et aux biais décisionnels inconscients. « La diversité progresse selon un phénomène de flux et de reflux, d’autant plus en l’absence de volonté politique. D’ou l’importance de relancer la machine à casser les stéréotypes car la recherche d’égalité ne doit pas faire oublier que justement nous ne sommes pas égaux, mais différents », argumente Muriel de Saint-Sauveur, directeur de la diversité Mazars. Certaines entreprises, volontaristes, vont plus loin : « En soulevant l’hypothèse d’une éventuelle poursuite judiciaire en cas de non respect des 20 critères de discrimination, le réflexe de recruter ses semblables au détriment d’autres salariés est stoppé », estime Isabelle Sachot-Moirez, DRH d’Arval France, qui a d’ailleurs nommé un référent harcèlement et discrimination pour traiter les éventuelles plaintes.

4. Former le middle management

Sans mode de gestion adapté, un collectif de travail, addition de singularités, ne fonctionnera pas. « Les résultats comparés de l’équipe de France de football en 1998 et en 2010 sont à cet égard parlants, deux équipes aussi diversifiées dans leur composition n’ont pas donné les mêmes résultats, succès dans un cas, échec dans l’autre dont les raisons sont à trouver dans la manière dont les différences ont été gérées par les responsables », démontre Jean-François Chanlat. Dans l’entreprise, lorsque le top management est convaincu et donne l’indispensable impulsion, c’est paradoxalement le middle management qui freine. « Cette strate est souvent oubliée lors de l’élaboration des politiques diversité, or située en première ligne, elle vit les discriminations au quotidiennes », alerte Muriel de Saint-Sauveur. De fait,ces managers de proximité développent, à l’instar des salariés, les résistances au changement : « Le déploiement d’une politique depuis le top management jusqu’aux équipes selon la conception centralisatrice et jacobine rencontre des résistances par capillarité qui partent de la base et remontent. En outre, une conception restrictive de la diversité forge d’autres freins, certains se sentant oubliés de la diversité », démontre Maria-Giuseppina Bruna.

5. Oublier les critères

Comment l’entreprise peut-elle in fine concilier tous ces critères de non discrimination ? « Les critères doivent être oubliés au profit des compétences et du potentiel » , défend Laurent Depond. Concrètement, Orange recrute via des tests d’aptitude et de mise en situation : « Sur de gros volumes de techniciens, nous observons les interactions, les aptitudes à travailler ensemble. » De même l’opérateur se montre sceptique quant à la fixation d’objectifs : « La diversité n’est pas un objectif supplémentaire, c’est une composante du management, qui, oubliée, conduira l’entreprise dans le mur », conclut le n-2 de Stéphane Richard, qui rappelle qu’un senior placé dans un climat défavorable sous-performe de 44 %....

Définition de la diversité :

Selon le Larousse la diversité c’est l’ensemble des personnes qui diffèrent les unes des autres par leur origine géographique, socio-culturelle ou religieuse, leur âge, leur sexe, leur orientation sexuelle, etc.,La loi française complète la définition en interdisant toute distinction ou traitement inégal en raison de 20 critères : sexe, origine, grossesse, situation de famille , apparence physique, patronyme, lieu de résidence, état de santé, handicap, caractéristiques génétiques, mœurs, orientation sexuelle, identité sexuelle, âge, opinions politiques, activités syndicales, appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, à race, à une religion, appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une nation.

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